31 août 2013

Levroux-Valençay (36)

C’est dans le département de l’Indre, au nord de Châteauroux, que s’est déroulée notre 84e excursion annuelle. Le groupe, fort de 55 personnes, un record pour notre Société, a tout d’abord fait halte à Levroux, un chef-lieu de canton d’environ 3 000 habitants, situé exactement à la limite entre le Boischaut Nord et la Champagne berrichonne.

Entourée de terres agricoles, située au carrefour de six voies romaines, la cité a longtemps abrité foires et marchés. Aujourd’hui, céréales et élevage se partagent le territoire. Pour nous, Levroux est une ville intéressante à plus d’un titre. Tout d’abord, il s’agit là d’un site emblématique de l’Âge du fer qui est loin d’avoir livré tous ses secrets. Il a ensuite été occupé à l’époque gallo-romaine et c’est au Moyen Âge que la cité s’est développée et s’est dotée de fortifications. Celles-ci ont été en grande partie rasées et les fossés comblés au XIXe siècle, les ruines des deux tours restantes datant des XVe et XVIe siècles.

Nous avons dû alors nous scinder en deux groupes. Pendant que l’un découvrait la cité, l’autre s’intéressait à des activités toujours importantes à Levroux : la mégisserie et la fabrication de parchemin. Pendant la balade dans la vieille ville sous la conduite d’une guide, on remarqua notamment des maisons à colombages, l’une d’entre elles étant ornée de sculptures, une ruelle ancienne typique, la porte de Champagne datant de 1506. La guide signala que Levroux avait été une halte sur le chemin de Saint-Jacques et que son histoire était marquée par l’accueil des lépreux. Le point fort de la visite fut l’imposante collégiale Saint-Sylvain, édifiée au XIIIe siècle sur l’emplacement d’une église primitive qui elle-même avait succédé à un temple romain. Parmi les particularités de l’édifice, signalons le portail, malheureusement mutilé pendant les Guerres de religion, et, à l’intérieur, une superbe abside, une clé de voûte avec un Christ en majesté ou encore un buffet d’orgue gothique considéré comme l’un des plus beaux de la région.

La visite au musée du cuir et du parchemin se révéla tout aussi intéressante car représentative d’une activité qui a été très importante pour le département de l’Indre. En 1 803, on comptait notamment à Levroux pas moins de 8 tanneries et mégisseries. Nous étions dans une région d’élevage (moutons et chèvres) qui fournissait la matière première et la ville se trouvait placée sur un cours d’eau propice à l’installation des usines. Un film nous rappela ce brillant passé. Des explications sur le traitement des peaux puis des démonstrations avec du matériel adapté au travail du parchemin et du cuir furent exécutées. Malgré la concurrence des importations des pays en voie de développement, 600 000 à 700 000 peaux sont encore traitées dans deux usines à Levroux, employant une centaine de personnes. Grâce au savoir-faire des entreprises, celles-ci ont su se positionner sur le marché du luxe et travaillent pour Givenchy, Dior ou Chanel.

Les animateurs du musée n’étaient pas avares d’explications, mais c’était l’heure de partir pour le déjeuner prévu dans l’orangerie du prestigieux château de Valençay : un moment très convivial avec vue sur les magnifiques jardins et l’édifice qui offre une harmonie architecturale remarquable entre le style Renaissance et le style classique.

À l’issue du repas, Jean-Philippe Benoist, notre trésorier, a relaté un point peu connu de l’histoire contemporaine du lieu. Pendant la Seconde Guerre mondiale, des chefs-d’œuvre du Louvre, dont la Victoire de Samothrace ou la Vénus de Milo, furent en effet stockés dans l’orangeraie et le château de Valençay, à partir de 1939-1940. En 1944, après le débarquement, la tristement célèbre division Das Reich menaça de détruire le château en raison des attaques de la résistance locale (dont un des officiers était André Leroi-Gourhan qui fut par la suite un des plus grands préhistoriens français, professeur au Collège de France). L’intervention courageuse d’un des conservateurs du musée du Louvre, Gérald Van der Kemp, évoquant la responsabilité de l’officier allemand s’il détruisait des chefs-d’œuvre à valeur universelle, et lui disant qu’il serait « passé par les armes par Hitler… qui le traitera de barbare… » permit d’éviter un drame.

C’est au XVIe siècle que le château de Valençay, datant du XIIIe siècle, a été reconstruit. Il a connu des ajouts au cours des siècles qui ont suivi. Mais sa grande époque, c’est à partir de 1803, lorsque Talleyrand (1754-1838) l’acquit pour y recevoir des hôtes de marque, ce qui le conduisit à faire mettre les décors intérieurs au goût du jour. Grâce à des audio-guides, les Creusois purent parcourir les fastueux salons où domine un mobilier exceptionnel de style Empire, avec également de beaux meubles de style Louis XVI et Régence. Pendant la visite, à l’arrière, on pouvait admirer également des jardins au caractère champêtre, une mosaïque multicolore vouée à la biodiversité, aménagement récent et unique en Val de Loire, fidèle à ce que Talleyrand avait voulu faire de cet espace. Par les audio-guides, chacun put aussi, à son rythme, acquérir une foule d’informations sur ce personnage illustre de notre histoire qui, de la Révolution à la Restauration, se mit au service de systèmes politiques contradictoires.

Mais la découverte des cuisines imposantes fut certainement la plus grande surprise de la visite, d’autant plus que tout le groupe se retrouva dans la salle à manger pour assister à une saynète intitulée « Les fastes culinaires du Prince ». Avec brio, les acteurs incarnaient Talleyrand, le cuisinier Antonin Carême et une servante jouant la préparation d’un fastueux repas du soir. À l’issue de ce spectacle rythmé et enjoué, ceux qui le désiraient furent invités à goûter le vin de Valençay.

La journée n’était pas tout à fait achevée puisqu’une dernière visite était proposée avec le musée privé issu de la collection des frère Guignard qui présente plus de 60 voitures en état de fonctionnement évoquant 80 ans d’évolution de l’automobile. Parmi les modèles exposés dans une scénographie toute en rondeur propre à la convivialité, signalons une Delaunay-Belleville de 1908. Ce modèle est entré dans l’histoire de la Grande Guerre puisqu’il fut utilisé comme « taxi de la Marne ».

Ainsi s’achevait une journée très riche et variée particulièrement appréciée par les participants.

Jean-Pierre Verguet