Excursion du 2 septembre 2017

Les Combrailles (63)

La 88e excursion de notre Société s’est déroulée dans la partie des Combrailles située dans le département du Puy-de-Dôme le samedi 2 septembre. Elle a réuni 59 personnes. Notre confrère Pierre Ganne s’est largement investi dans son organisation. Féru d’histoire et surtout d’archéologie, il a démontré qu’il maîtrisait aussi parfaitement ce qui touche à la vie contemporaine et à l’actualité de sa région.

C’est aussi lui qui contribue à faire vivre – il en est le responsable – la Maison archéologique des Combrailles située à Voingt, notre première étape. Celle-ci, ouverte il y a 7 ans, a succédé au musée créé il y a 30 ans. Dans cette toute petite commune (43 habitants), les Creusois ont été surpris de découvrir, à partir d’une ancienne grange réaménagée, un vaste espace muséographique utilisant une scénographie résolument moderne. Il faut dire que la région qui fut traversée par la voie d’Agrippa est fort riche, du Néolithique au Moyen Âge, en passant par la période gallo-romaine. Des pièces rares, voire uniques, ont été mises au jour lors de campagnes de fouilles.

Dans un langage simple qui n’exclut nullement la rigueur scientifique, Pierre Ganne s’est appuyé sur quelques exemples. Pour le Néolithique, il a choisi un des couteaux-poignards en silex provenant du Grand-Pressigny et découvert en fouillant un dolmen. C’est là un objet très rare, avec une lame de 30 cm de long, de très faible épaisseur et donc redoutablement efficace. Quant à l’époque gallo-romaine, il a attiré l’attention sur les seules inscriptions connues en France pour honorer le dieu gaulois Toutatis. Dans les vitrines, de nombreux objets évoquent la vie quotidienne dans le bourg routier antique dit de Beauclair, à travers l’architecture, l’artisanat, le commerce, la religion et les pratiques funéraires. Les chapiteaux romans provenant du bourg d’Herment ont illustré la période médiévale. Le groupe a ensuite pris la direction de Pontaumur. En cours de route, Pierre Ganne a évoqué les routes royales voulues par l’intendant Trudaine au XVIIIe siècle.

Pontaumur, c’est le fameux « pont au mur » (1733) qui est à l’origine du développement de la bourgade. Mais le but de cette nouvelle étape était de profiter pleinement de la curiosité qu’elle présente, l’orgue de l’église inauguré en 2004. Nous avons été accueillis par Jean Comes et Paul Morange. Ils nous ont tout d’abord expliqué l’histoire peu ordinaire qui a abouti à ce que la ville possède une réplique de l’orgue d’Arnstadt, premier instrument dont Bach fut titulaire.

À l’origine, le festival « Bach en Combrailles » qui investit depuis 20 ans les églises de la région est le rêve un peu fou d’un mélomane, Jean- Marc Thiallier, de retour d’un voyage en Thuringe « sur les pas de Bach ». Après qu’il eut convaincu les élus à divers échelons, motivé le bénévolat local et choisi les professionnels les plus compétents en France et en Allemagne, la réalisation a commencé en 2002. C’est un facteur d’orgue vivant dans la Creuse, précisément dans la commune de La Chaussade, François Delhumeau, qui a fabriqué les jeux en bois et procédé à l’installation.

Après l’historique, nos interlocuteurs nous ont explicité le fonctionnement interne à l’aide d’une maquette. Et surtout, souvenir inoubliable pour les participants, Antoine Thiallier, en interprétant quelques courts morceaux, a fait sonner l’orgue dont la musique emplissait merveilleusement l’église Saint-Michel. Il a ensuite expliqué la technique de jeu en acceptant à chaque fois une petite partie du groupe sur la tribune.

À l’issue d’un repas des plus copieux pris à Pontgibaud, les participants ont été invités sur les hauteurs de cette ville à « monter à l’assaut » de Château Dauphin. Pour cela, il fallait franchir une imposante porte fortifiée. C’est la comtesse de Germiny, propriétaire des lieux, qui nous a accueillis et assuré la visite. Cette famille possède Château Dauphin depuis 1756, date à laquelle César de Moré en fit l’acquisition.

De l’ensemble du château édifié au XIIe siècle par Robert Ier, dit le Dauphin, pour défendre le village et le pont sur la Sioule, subsistent le majestueux donjon et six tours. Gilbert II de Lafayette qui combattit les Anglais aux côtés de Jeanne d’Arc a reconstruit les défenses, avec l’autorisation de Charles VII, et doté la ville de remparts. Le château, exemple bien conservé d’architecture du Moyen Âge, a été restauré au XIXe siècle et le décor que nous avons pu découvrir est dans le goût médiéval. Les deux corps de bâtiment qui composent le donjon s’articulent autour d’une cour recouverte au XIXe siècle d’une verrière sur une charpente métallique, ce qui a permis de peindre les hautes parois qui la délimitent de couleur claire et de réaliser des motifs qui reprennent les emblèmes liés à l’histoire du château. Pendant la visite des trois étages du donjon toujours habités, ont été détaillés de nombreux souvenirs familiaux et historiques : gravures, tableaux, faïences, miniatures, bijoux, médailles...

À l’issue de la visite guidée, du haut d’une des six tours disposées autour du donjon, les plus téméraires ont pu profiter d’un superbe panorama. Avec en arrière-plan le relief accidenté d’origine volcanique, on a une vue imprenable sur les jardins. Déjà au XVIe siècle, Montaigne, de passage dans la localité, décrivit un surprenant potager en creux. Se déroulant en pente douce, ces jardins occupent plusieurs terrasses délimitées par des murs en basalte composant des potagers hauts et bas, ces derniers se trouvant en dessous du niveau des allées. Non seulement, ces murs protègent du vent, mais ils gardent la chaleur et engendrent des microclimats.

Dans les communs de Château Dauphin, ceux qui le désiraient ont pu visiter le musée des mines de plomb argentifère. Il fait revivre l’histoire des mineurs-paysans qui ont exploité la galène le long de la vallée de la Sioule. 70 km de galeries allant jusqu’à 150 m de profondeur ont permis de sortir 50 000 tonnes de plomb et 100 tonnes d’argent au fil des siècles. La teneur en argent était considérée comme une des plus fortes d’Europe. On estime qu’à la fin du XIXe siècle, à la cessation d’activité de l’exploitation, près d’un quart de la monnaie française en argent était réalisée à partir de la mine de Pontgibaud !

C’est encore Pierre Ganne qui allait clore cette journée avec une dernière visite dans la ville, l’église gothique Saint-Benoît qui a succédé au premier édifice du XIIe siècle ravagé par un tremblement de terre. Elle a été restaurée et agrandie au XIXe siècle. Notre guide s’est attardé sur le mobilier remarquable qu’elle possède : maître autel, éléments de retable, tableaux... Ce mobilier provient de l’ancienne chartreuse de Port-Sainte- Marie (commune de Chapdes-Beaufort). Fondée en 1219, durant près de cinq siècles, elle a rayonné et marqué l’histoire économique et culturelle de l’ensemble des Combrailles et jusqu’en Limagne. C’est aussi un site majeur pour l’histoire des Chartreux. Peut-être une destination pour une prochaine excursion....

Jean-Pierre Verguet